Récit par Kate
« Si tu veux courir, cours un kilomètre, si tu veux changer ta vie, cours un marathon. »
On a tous vu, ou entendu cette fameuse citation de Zátopek, qui a fait le tour des réseaux sociaux dans les dernières semaines qui précédaient les grands marathons Européens…Rome, Paris, Berlin, bientôt Londres et bien sûr Rötterdam. Pour ma part, c’était avec ces mots en tête, et un peu la boule au ventre que je suis partie de chez moi le 8 avril. Nous étions sept à partir tôt samedi matin, sur les chapeaux de roues pour certains, et un peu à la rue pour d’autres 😉 Un groupe solidaire et hétéroclite à la fois, tous dans le même bateau, et chacun avec ses propres motivations, ambitions, rêves et objectifs. Valises chargées, et bouteilles de Malto à la main, nous sommes partis pour Mérignac au petit matin.
Après un trajet vivifiant avec la clim à fond pour nous habituer au climat hollandais, des gorgées de Malto toutes les cinq minutes et de vaines tentatives pour trouver le sommeil, nous voilà au terminal « Billi » pour embarquer direction Amsterdam. Easyjet nous a vu venir, mais si jamais quelqu’un a besoin de conseils sur comment réussir à mettre le contenu de 4 sacs à dos et 2 sacs à main dans une valise qui fait la taille d’un timbre de poste, nous sommes maintenant experts en la matière.
Un peu de sommeil en pointillé, et 1h40 de sevrage du Malto, nous voilà au Pays-Bas, à la recherche d’un taxi pour nous emmener à Scheveningen, une petite ville en banlieue de la Haye, ou se trouvait notre maison pour les 4 jours à venir. Eugène, notre hôte nous attendait à la porte avec le petit message écrit sur le placard en face de la porte d’entrée. Petit tour de la propriété pour prendre des repères, Eugène passant du français à l’anglais sans broncher, nous avons pris nos chambres respectives et bien noté les deux rampes de marches bien raides pour monter jusqu’au deuxième étage. « Sur les fesses demain ! » rigole Eugène…
Direction le centre de Scheveningen sous un soleil surprenant, déjeuner de pâtes (et une petite rasade de malto de temps en temps…) en terrasse sur une place pas loin du bord de mer. Ensuqués par le soleil, l’appel de la sieste était difficile à ne pas entendre, mais encore fallait-il s’arracher des fauteuils bien accueillants pour aller à Rötterdam récupérer les dossards et reconnaître le trajet pour le lendemain matin.
Bus n°22 (on s’en souviendra !), jusqu’à la Haye, puis une demi-heure de train pour arriver à la gare centrale de Rötterdam, où la ville grouillait déjà de coureurs arborant des médailles des courses de la journée (NN ¼ marathon, 10km et Kids run), et d’autres, les visages plus fermés qui cherchaient comme nous le WTC et marathon expo. Avec plus de 14 heures de voyage dans les pattes (et peut être un peu d’appréhension pour le lendemain ?!?) personne n’avait envie de trop trainer dans le hall, mais une fois les dossards récupérés sans le moindre hic, nous avons pris le temps de regarder un peu les stands et bien sûr se faire prendre en photo devant le fameux mur (On ne présente plus certains, mondialement connus….).
Les montres connectées nous le disaient, et nos jambes l’ont confirmé – nous en avions plein les pattes et il fallait rentrer se reposer. A presque 19h la veille de la course, la perspective du trajet en train, puis en bus n’était guère alléchante, et nous avons accaparé le premier mini-van que l’on a vu. Quelques négociations avec le chauffeur Marocain – tiré à quatre épingles, une paire de Richelieu vernis impeccable, moustache soignée, veste bleu marine, cravate, lunettes avec des montures dorées…(il ne manquait que les gants blancs) – et nous avions notre véhicule assuré pour le soir, et pour nous déposer au départ le lendemain matin.
Après la douche, recherche d’épingles pour le dossard, et maintes questions pré-course (manchons ou pas manchons ? pour les cuisses ? les bras ? les deux ? T-shirt ? Oui. Mais sans manches ou pas ? Gourdes ? Deux ? Trois ? Rien ? (petite rasade de Malto pour aider à réfléchir….) chaussettes montantes ? une paire ? deux ? Compeed dans la poche ? Short de compression ou Skort sans coutures ? Gels. Check. Coup de fouet pour la fin ? P’tit barre en plus ? Casquette/pas casquette ?…) Fred s’est mis aux fourneaux pendant que les filles s’étiraient les mollets (et oui, j’avais apporté les fameux élastiques) et Bruno secondait Fred en cuisine par télépathie…. On y était…ou presque.
Réveil à 7h après une nuit agitée, tout le monde en tenue, les couleurs des Montardons bien en évidence et le Gatosport qui trônait sur la table. A 8h15 pile, notre chauffeur était là, et malgré nos craintes, nous avons fait Scheveningen – Rötterdam en moins de 40 minutes, nous laissant près d’une heure avant le départ. Le temps de prendre un café dans un des nombreux bar/cafés du coin, où l’on ne paie pas la qualité du café, mais la somptuosité des pipi-room. (C’est à savoir là-bas, il faut toujours avoir des pièces sur soi…nous avons tout vu, de €0.30 à €1 pour se soulager, parfois en plus de la consommation sur place). Petite séance photo, et un peu de gainage avant de rejoindre le flot de coureurs pour se mettre dans les sas de départ….
La fine équipe !
Les cinq sas étaient repartis le long de Coolsingel, la rue principale de la ville, donc après une dernière tape sur l’épaule, poignée de main, bise d’encouragement, nous nous sommes séparés pour se mettre dans nos sas respectifs.
A partir de là, une fois dans le sas, je ne peux parler que de ma propre expérience …. En remontant le long de Coolsingel, on avait l’impression de voir un grand chalut, où grouillait une capture arborant du lycra fluorescent de toutes les couleurs et où les bips asynchrones des montres/cardios ponctuaient l’effervescence ambiante. Une promiscuité un peu oppressante… Derniers ajustements aux lacets, quelques petits sauts sur place pour faire tomber la pression… on entend le pistolet pour faire partir les athlètes elite, et je souris en pensant que quand moi, je serai à mi-parcours, ils auront presque atteint la ligne d’arrivée ! 20km/h, ça parait inhuman, et pourtant… Puis la musique redemarre et j’ai une pensée pour les coachs qui partent dans le premier sas…plus que 10 minutes à attendre et je serai à leur place.
Et c’est parti pour quelques heures ! Les premiers kilomètres sont difficiles car la route est étroite et tout le monde se bouscule pour trouver une place et de l’espace…pas facile avec plusieurs centaines de coureurs, donc je me dis que j’ai le temps, et quelques kilomètres devant moi pour trouver mon rythme. Je suis épatée par le monde qu’il y a tout le long du parcours, sortis de chez eux pour venir encourager les coureurs, nous appelant par nos prénoms ( quand ils arrivaient à lire sur le dossard froissé, et ensuite le prononcer !) et l’énergie / coup de boost que ça donne est incroyable. Des enfants tendent la main, certains portent des assiettes de quarts d’orange ou nous tendent des gobelets, mais rares sont ceux qui prennent – ce n’est pas le moment d’expérimenter !
Les ravitaillements ne sont que liquides, mais avec la température qui commence à frôler les 20°c, on a beaucoup plus soif que faim.
Le « smart drink system » est pas mal, ça permet de boire sans en mettre partout, et la petite éponge sert à rafraichir avant le «sponge station » suivante !
C’est un peu la zone par terre par contre, des éponges dans tous les sens, et malgré les efforts des organisateurs, (ils avaient installé de petits buts au dessus des poubelles pour inciter à jeter les éponges dedans), la plupart des éponges usées finissaient sur la chaussée.
Arrivés au 30e kilomètre, nous partons pour une boucle de 12 km qui va nous emmener à l’arrivée, mais nous croisons du coup les coureurs qui sont plus avancés, vers le 38-40ième, de l’autre côté de la rue. L’effort et la fatigue se lisent bien sur leur visage, dents serrés, certains avancent à peine, d’autres baptisent les buissons à force de trop d’effort, de gels sucrés et des boissions énérgétiques, tandis que d’autres encore zig-zaguent sur le bitume comme des fourmis qui ont perdu la trace de leur colonie…quel contraste avec l’euphorie du départ. Il ne faut pas regarder de trop près, rester concentré, l’arrivée est encore loin, car même si le plus gros est fait, le plus dur est à venir.
Après, à notre tour de croiser les coureurs qui embrayent sur la boucle de 12, certains nous font signe pour nous encourager, d’autres sont dans le dur déjà, ou bien dans leur bulle, le cerveau déconnecté, les jambes en autopilote. Les jambes sont lourdes, mais le mental va bien encore, et le public est plus animé que jamais sur ces derniers kilomètres du parcours. On reprend le fameux pont, et la petite montée de rien du tout pique bien. Et puis ça y est, par terre, on voit « 1.000m » peint sur la chaussée en grandes lettres blanches ! On entend la musique, le commentateur au micro, et la foule qui nous acclame comme si nous allions gagner aux Jeux Olympiques ! C’est une sensation indescriptible, toutes les émotions se mélangent, on est euphorique, à bout, soulagée, aux anges….je pleure et je rigole en même temps (pas trop pratique pour la respiration !) je n’en reviens pas d'être à peine à 500 m de la ligne d’arrivée. Et là, tout d’un coup, il n’y a plus personne, il n’y a que moi, l’arche devant et 500 m à faire. Je ne sais pas d’où vient la force, mais je sais que c’est un moment unique, et j’avale les derniers mètres dans un sprint libérateur.
Les mains sur les cuisses, je regarde d’autres arriver, on me tend une rose, une médaille….je suis sans voix. Je continue vers la « zone récup » et je retrouve Fabien, Fred et Bruno, tous un peu palichotte mais le sourire aux lèvres, et de nouveau les larmes me viennent. Je repense à tous les entrainements, sur la piste, au bois de Billère, je pense à tout le monde qui nous a encouragé, accompagné, boosté… enfin, je pense que vous êtes plusieurs a avoir eu la chance de ressentir cette éuphorie fin-de-course, donc vous savez bien de quoi je parle 😉
Nous remontons Coolsingel à un rythme beaucoup plus calme pour retrouver Rosy qui nous attend dans un café près de l’arrivée. On s’assoit, on savoure… Je pars faire graver la médaille (ben oui, la première quand même !) et avec mon sens de l’orientation légendaire, je fais une boucle à pied de 4km alors que 500 m dans l’autres sens auraient suffi. Quand je retrouve la joyeuse bande, Sylvie est là, ayant brisé son record personnel, et passant largement sous la barre des 4h ! Fred repart chercher Sandrine à l’arrivée, pour elle aussi, c’est son premier marathon, et elle termine avec le sourire ! Ca y est, l’équipe est au complet, nous pouvons nous détendre et nous prélasser au soleil !
Quelque temps plus tard, on entend un vacarme pas possible dans la rue, c’est la dernière concurrente qui arrive, flanquée par une dizaine de motards, les ambulances avec les gyrophares, les klaxons, les applaudissements du public…un grand bouquet de fleurs, un t-shirt commemoratif…après 6h30 d’effort, elle méritait bien un accueil pareil.
Puis les bénévoles commencent à ranger…tout est réglé comme du papier à musique. En quelques heures, la ville « marathon » retrouvera son aspect normal, et il ne restera plus une trace des milliers de coureurs qui avaient foulé le bitume ce jour là. Nous reprenons le train, avec d’autres marathoniens, puis le bus, et il faut vite se doucher et se changer, car si l’on se pose ou s’allonge, ce sera mort, on ne ressortira pas !
Attablés dans un bon restau, bières à la main, on déguste le premier vrai repas de la journée….après les gatosport, gels, et sucreries chimiques en tout genre, un bon steak ça fait du bien !
Le lendemain matin, la descente des escaliers est….épique. Surtout la descente. Si l’on oublie quelque chose dans la chambre, on réfléchit deux fois avant de remonter la chercher. On décide de louer des vélos et aller visiter un peu la Haye. Eugène appelle un loueur en ville qui nous fera un prix. Il m’explique où se trouve le magasin, et comme personne n’est fatigué ( !) et mon sens de l’orientation marche toujours aussi bien, je nous fais faire une promenade touristique de 40 minutes pour trouver le magasin de location, alors que une dizaine de minutes dans l’autre sens…enfin, vous connaissez la musique.
La prise en main des vélos neerlandais est un peu folklo, mais on prend vite l’habitude et nous voilà partis sur nos fidèles destriers vert et jaune canari, direction La Haye. Arrivés là-bas nous avons attaché les vélos, et heureusement que nous avons tardé à partir, car nos vélos ont failli être embarqués à la fourrière pour stationnement illégal ! L’agent de sécurité a bien vu que nous étions des néophytes de la pratique, et plutôt que nous coller une amende, il nous a indiqué les parkings gratuits pour vélo en sous-sol. Impressionnant. Les vélos sont stockés sur plusieurs rangées, le temps d’une balade, des courses, des études ou la journée de travail. De retour à Scheveningen, nous avons longé l’esplanade et exploré la jetée couverte avant de rendre les vélos.
Et les escaliers étaient toujours aussi compliqués… 😉
Entre la marche et les déplacements en vélo, on a fait « de la récup » de 26 bornes ce jour là (dixit les montres connectées ;-))….sacrés Montardons !
Et nous ne pouvions pas partir sans faire un petit tour à Amsterdam, ses canaux et peniches, ses maisons hautes, étroites, certaines en train de s’affaisser inexorablement…le marché aux fleurs était un peu décevant, plutôt des brassées de tulipes en bois et des bulbes à foison que des pétales parfumés et des couleurs à perte de vue, mais il faut dire que ce n’était pas tout à fait la saison.
Un petit voyage en peniche le long du Keizersgracht et Prinsengracht – deux des trois canaux principaux – le soleil nous rechauffant le visage, c’était le meilleur moyen de faire une visite éclair de la capitale néerlandaise, le commentaire sur le vif de notre guide servant plus à nous bercer qu’à nous cultiver…
Plus tard dans l’après-midi, nous avons vagabondé un peu dans les rues d’Amsterdam, vaguement à la recherche de la fameuse tarte aux pommes + thé mentionnés par le guide lors de notre voyage en peniche. Nous sommes passé devant le Café de Paris, des boutiques internationaux, des étales de fromage (il y en a même à la noix de coco….),nous nous sommes même trouvés (tout à fait par hasard) aux abords du red light district, quartier où l’on n’apprecié pas les clients qui font du lèche-vitrine….
Il se faisait tard, et l’envie de rentrer était plus forte que l’appel de la tarte aux pommes, donc après un petit café dans un troquet du coin pour se redonner du peps, nous nous sommes dirigés vers la gare centrale pour prendre le train jusqu’à Scheveningen
Quelques jours très forts en émotion. En camaraderie et partage, en sourires et foux rires, en effort et farniente, en malto et pressions, en canne et courbatures, bref un voyage inoubliable signé Montardons d’Achille !